Entretien avec Mario Grotz, Président de Creos Luxembourg S.A., et Claude Seywert, CEO de Creos Luxembourg S.A.
POUR LE DUO DIRIGEANT DE CREOS, 2016 PEUT ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME UNE ANNÉE CHARNIÈRE. NON SEULEMENT PARCE QUE LES CHIFFRES ONT ÉTÉ EXCEPTIONNELS, QUE CE SOIT EN TERMES D’INVESTISSEMENTS, DE RÉSULTATS OPÉRATIONNELS OU D’EFFECTIFS. MAIS AUSSI PARCE QUE LE GESTIONNAIRE DE RÉSEAUX EST ENTRÉ DE PLAIN-PIED DANS L’ÉNERGIE INTELLIGENTE AVEC LE PLACEMENT DES PREMIERS COMPTEURS INTELLIGENTS, LE PROJET DE L’ÉLECTROMOBILITÉ ET BIENTÔT LA TROISIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE INTELLIGENTE ET VERTE.
Pouvez-vous me citer les points forts de 2016 pour le marché de l’énergie en général et Creos en particulier ?
Claude Seywert : Au niveau mondial, le marché est resté sous tension et le nucléaire a fait beaucoup débat, surtout chez nos voisins belges et français. A l’image du Luxembourg, Creos a suivi une croissance normale en termes de transport et de distribution d’électricité et de gaz, si ce n’est peut-être une légère diminution du volume de gaz transporté suite à la fermeture à l’été 2016 de la centrale à turbine gaz vapeur (TGV) et la liquidation de la société Twinerg à Esch-sur-Alzette.
Mario Grotz : Si on regarde les résultats opérationnels, 2016 aura même été une année remarquable pour notre société. Nous avons continué à embaucher du personnel pour arriver fin décembre 2016 à un effectif total de 682 collaborateurs. Ces bons chiffres prouvent, si besoin en était, que Creos se porte plutôt bien et connaît une croissance jamais démentie depuis sa création en 2009.
Les investissements sont restés très élevés en 2016. Quelles ont été vos priorités ?
M.G. : L’installation à partir du 1er juillet 2016 des compteurs d’électricité et de gaz intelligents auprès de nos clients a nécessité de notre part d’importants investissements. Il a fallu non seulement procéder à des adaptations IT mais aussi préparer le réseau intelligent du futur en investissant dans la fibre optique, la sécurité informatique et les technologies de communication. Il ne faut pas oublier non plus notre participation au projet national d’électromobilité qui a également requis des apports humains et financiers conséquents pour préparer la mise en place des premières bornes de charge publiques dès 2017.
C.S. : Nous avons également poursuivi nos investissements dans nos réseaux avec la finalisation du projet Luxring, la construction de nouveaux postes de transformation haute tension et l’extension de nos réseaux gaziers et électriques. Il faut savoir que, contrairement aux réseaux d’autres pays, les nôtres continuent à croître. Chaque année, de nouveaux kilomètres sont ajoutés.
Quelles actions ont été entreprises en 2016 pour améliorer le service aux clients ?
C.S. : Il faut d’abord souligner que nous avons fourni en 2016 un important travail de communication, notamment en accentuant notre présence dans les médias sociaux. Ainsi, pour que le grand public apprenne à mieux nous connaître, notre blog des énergies en réseaux – creosnews.lu – met régulièrement en ligne des articles et des vidéos qui présentent les différentes professions exercées au sein de Creos, nos projets ainsi que des thèmes en relation avec notre cœur de métier. Nous avons également lancé une campagne visant à sensibiliser notre clientèle au placement des compteurs intelligents. Nous avons même créé un microsite dédié à ces compteurs intelligents (smarty.creos.net) qui explique en détail leur fonctionnement, comporte des manuels d’utilisation en quatre langues et donne la possibilité aux clients de donner leur avis.
M.G. : Cette année a également été le point de départ de réflexions visant à mettre progressivement en place à partir de 2017 un point d’entrée unique pour tous les clients. Nous nous sommes en effet rendu compte que les développements récents et à venir de nos activités amènent nos collaborateurs à avoir des contacts de plus en plus fréquents avec les consommateurs finaux que sont les particuliers. Ce nouveau département Customer Service entièrement dédié à la clientèle aura pour missions de répondre le plus rapidement possible à toutes ses demandes et besoins et d’assurer sa prise en charge du début à la fin.
Précisément, à propos des compteurs intelligents, pouvez-vous nous dresser un bilan quelques mois après leur lancement ?
C.S. : Au total, nous avons placé quelque 8.000 compteurs intelligents en 2016. Le chiffre n’est pas très impressionnant mais ces premiers mois ont surtout servi à tester la fiabilité de nos fournisseurs et à recueillir les premières réactions de nos clients. La plupart des avis se sont révélés très positifs. D’un point de vue technique, il n’y a pas eu d’incident majeur à déplorer. Nous sommes à présent prêts pour un déploiement en masse et le délai des 250.000 compteurs d’électricité et des 50.000 compteurs de gaz à poser d’ici 2020 sera respecté.
La nouvelle période de régulation 2017-2020 vient de débuter. Que va-t-elle changer pour Creos ?
M.G. : Deux changements importants sont à signaler. Le premier concerne la rémunération sur le capital investi. Etant donné la chute des taux d’intérêt ces dernières années, l’Institut Luxembourgeois de Régulation (ILR) a baissé les taux sur les investissements par rapport à la période de régulation antérieure. Cette baisse va inévitablement influencer nos capacités d’investir dans les années à venir. Les coûts acceptés par le régulateur vont également avoir une répercussion directe sur l’évolution future de nos résultats. L’ILR nous incite à diminuer nos coûts. Or une grande partie de ceux-ci est incompressible car liée aux salaires de nos collaborateurs. De plus, nous sommes dans une phase où nous investissons énormément.
C.S. : Les nouvelles règles mises en place par l’ILR sont également plus contraignantes et plus rigoureuses. Les contrôles de nos activités, que ce soit en matière de maintenance, de dépannage ou d’investissement, sont beaucoup plus stricts et exigent de notre part de fournir davantage d’informations et de pièces justificatives.
L’objectif de l’étude stratégique présentée en novembre 2016 par le théoricien américain de l’économie Jeremy Rifkin est de transformer le Luxembourg en premier Etat-nation de l’ère de la troisième révolution industrielle intelligente et verte. Quel sera le rôle de Creos dans cette révolution ?
C.S. : Cette étude stratégique, à laquelle ont participé pendant dix mois plus de 300 acteurs de la société civile, du monde de l’entreprise, des universitaires et du gouvernement, a pour vocation de rendre pour les générations futures le modèle économique existant plus durable et interconnecté. Selon ce nouveau modèle qui va toucher à l’échelle nationale tous les aspects de la vie au quotidien, les technologies de l’information et de la communication (TIC), les énergies renouvelables et les nouveaux moyens de transport doivent converger au sein d’un même réseau intelligent. Tous ces changements vont avoir une incidence sur nos réseaux. Creos aura donc certainement un rôle clé à jouer dans l’édification de ce nouveau modèle mais il est encore difficile à l’heure actuelle d’en préciser les contours.
M.G. : Les prochaines années seront à cet égard déterminantes, d’autant plus que l’Union européenne prépare de son côté un projet commun autour des réseaux électriques et gaziers. Il est évident que nous allons devoir nous impliquer dans les différents groupes de travail qui vont se mettre en place suite à la publication de l’étude Rifkin, notamment ceux relatifs à la construction d’un Internet national de l’énergie, la promotion de l’électromobilité et la réalisation d’un projet-phare pour démontrer l’apport socioéconomique des villes intelligentes, durables et circulaires. Cette implication est pour nous importante car Creos entend participer activement à l’avenir numérique du pays.
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Last modified: May 10, 2017