Written by 9:02 am Innovation & Technologies, Le monde de l'énergie

De l’énergie propre à partir des égouts?

La question pourrait paraître saugrenue, tant ces canalisations souterraines sont éloignées de l’idée que l’on se fait des énergies renouvelables davantage associées aux forces de la nature, mais c’est pourtant le cas. De nombreuses initiatives fleurissent un peu partout dans le monde et produisent de l’électricité grâce aux eaux usées.

De l’électricité produite grâce à l’écoulement des eaux usées

Ainsi, Portland, la plus grande ville de l’Etat américain de l’Oregon, teste depuis peu son réseau d’égouts pour installer des unités de production d’énergie. Le principe est le même que celui de l’hydroélectricité. Une section du réseau d’écoulement de eaux usées est remplacée par un tuyau équipé de quatre turbines comparables à celles que l’on utilise dans les fermes hydroliennes. Le courant de l’eau actionne les turbines qui alimentent un générateur. Ce générateur sert de relais pour basculer l’électricité produite sur le réseau électrique de la ville. Même si le système présente de nombreux avantages – il coûte moins cher que construire une unité de production, exploite une ressource déjà présente et permet de mieux contrôler le réseau -, il a aussi une limite : les contraintes du terrain. Pour être rentables, les turbines doivent être installées dans une canalisation elle-même placée sur une pente naturelle. Dans une telle configuration, l’eau coule assez fort pour produire un maximum d’énergie.

De plus, même en multipliant les tronçons hydroliens, pour autant qu’ils soient suffisamment en pente, la production d’électricité sera nettement insuffisante pour alimenter une métropole de plus de 2 millions d’habitants. Un tronçon pourra au mieux fournir de l’énergie pour 150 logements ! Mais ces limites n’ont pas empêché Portland d’investir dans le projet. Elle espère, à terme, couvrir les besoins électriques de tous les bâtiments publics (écoles, bibliothèques et bureaux administratifs) et baisser le montant de ses dépenses énergétiques annuelles.

Des égouts aux radiateurs et aux piscines

A Amstetten, en Autriche, le service municipal d’électricité tire parti des eaux usées en se fondant sur le principe de la géothermie. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les eaux usées sont chaudes et affichent une température comprise entre 12 et 20 degrés, et ce tout au long de l’année. Quand l’eau s’écoule d’un lave-vaisselle, d’un lave-linge ou d’une salle de bains, elle dissipe une chaleur précieuse qui se retrouve dans les égouts. Pour récupérer cette chaleur, le service municipal a fait installer des échangeurs de chaleur, autrement dit des tuyaux aux formes variables dans lesquels circule un liquide caloporteur, le long d’une section d’égout longue de 42 mètres où la température peut atteindre 27 degrés grâce à la présence toute proche d’une usine de pâte à papier. Autour de cette canalisation serpentent des tuyaux adjacents dans lequel circule de l’eau qui se réchauffe au contact de ces échangeurs. Cette eau tiédie, et propre grâce à l’installation dans l’égout d’un système autonettoyant, est ensuite acheminée vers une pompe à chaleur très performante qui alimente à son tour un système de chauffage central. Grâce à ce système, la chaleur provenant des eaux usées chauffe en hiver et refroidit en été près de 4.000 mètres carrés de bâtiment.

Des projets semblables existent en Allemagne et à plus grande échelle en Suisse qui compte pas moins de 200 installations de chauffage par récupération de la chaleur des égouts.  Et d’après une étude de l’Université de Vienne, de 3 à 5% des bâtiments autrichiens pourraient être chauffés comme ceux d’Amstetten.

Ce processus de valorisation énergétique des réseaux d’égout basé sur la géothermie a également trouvé un écho en France, notamment à Paris, où la mairie a inauguré en août 2016 la première piscine entièrement chauffée, douches comprises, par les eaux usées circulant sous son sol. Un an plus tard, le bilan a été tellement positif que l’initiative a fait des émules. D’ici 2020, l’objectif de la mairie de Paris est de réduire de 20% la consommation d’énergie des 39 piscines parisiennes.

Des autobus d’un genre particulier

En Norvège, une centaine de poo bus – des autobus qui carburent aux excréments humains – circulent depuis 2010 à Oslo et, depuis mars 2015, un bio-bus basé sur le même principe a été mis en service sur la ligne numéro 2 de la ville de Bristol en Angleterre. Dans les deux cas, le carburant est du bio-méthane généré par la fermentation des boues d’une station d’épuration principalement composées de matières fécales et de déchets ménagers. Le procédé est certes peu ragoûtant – l’entreprise à la base du projet en Angleterre a même fait dessiner sur toute la longueur d’un des côtés du bus des voyageurs occupés à lire ou à téléphoner tout en faisant leurs besoins ! – mais il est efficace sur le plan écologique. Les déjections annuelles de 5 personnes suffisent pour permettre de rouler 300 kilomètres, apprend-t-on sur le site du bio-bus anglais. De plus, ce type de bus rejette moins de 80% d’oxyde d’azote, 20 à 30% de CO2 de moins qu’un moteur diesel et pratiquement pas de particules fines. Et il ne sent pas : le biogaz obtenu par fermentation est pratiquement identique à celui du gaz annuel. Comme quoi il n’y a pas que l’argent qui n’a pas d’odeur, l’énergie aussi !

Last modified: December 17, 2018

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